André Maginot
Non loin de ce monument, à quelques dizaines de mètres au-delà, de la route, se trouvait le café/bureau de tabac de Bezonvaux.
A l'automne 1914, cette maison servit de cantonnement pendant plusieurs semaines à André MAGINOT, député mobilisé, alors chef d'un groupe de patrouilleurs.
A partir de là, il exécutait des reconnaissances en direction des positions adverses.
André MAGINOT, jeune député de 33 ans en 1910, est secrétaire d'Etat à la guerre du 9 décembre 1913 au 2 juin 1914.
Mobilisé au 1 er aout 1914 avec le grade de 2é classe, il rejoint son affectation: 44é régiment d'Infanterie Territoriale.
Cette unité organise des avants-postes qui couvrent Verdun.
Les quelques détachements effectuant des reconnaissances, paraissent à MAGINOT insuffisants numériquement et inadaptés à ces missions.
Après avoir participé à plusieurs de celles-ci et avec l'accord de sa hiérarchie,, il organise un groupe permanent de patrouilleurs:
il choisit une vingtaine de volontaires dont il prend le commandement.
Cett petite troupe est hétérogène. A coté de trois députés mobilisés, dont MAGINOT, elle comprend surtout des Lorrains connaissant le pays, ayant le sens du terrain
et chasseurs dans l'âme. Beaucoup ont été attirés par le régime de faveur qui leur est promis: une liberté relative, pas de services de garde ni de corvées.
Mais ces hommes, plus soldats que militaires et manifestant un certain mépris pour la mort, sont courageux, casse-cou et risque-tout prêts à tous les sacrifices.
Plusieurs dizaines d'opérations sont menées par le groupe; elles permettent de recueillir des renseignements exploités ensuite par le commandement français.
Par exemple, le 26 aout 1914, André MAGINOT conduit quelques hommes à plusieurs kilomètres en avant des positions françaises, pour explorer les localités de Maucourt
et Mogeville et y vérifier la présence de cavaliers allemands. L'action est un succès, ce qui vaut à MAGINOT, le grade de caporal.
Le groupe abandonne alors le cantonnement où il se reposait entre deux opérations: des huttes construites en bordure du chemin menant de Douaumont à Bezonvaux
( celle des trois députés étant baptisée le Palais Bourbon - en référence à leur travail de parlementaire ).
Il s'installe dans le café/bureau de tabac de ce village, dont l'entrée insuffisamment haute, oblige André MAGINOT, qui mesure 1,98 m, de se courber pour en franchir le seuil.
L'emplacement, à la pointe même des avant-postes, est favorable puisqu'il est situé au carrefour de plusieurs axes, certains menant vers l'est en direction des lignes ennemies.
Le 1er septembre suivant, MAGINOT se voit décerner une citation pour le sang-froid et la cranerie dont il fait preuve pendant une patrouille menée jusqu'à Gincrey: à l'occasion
de celle-ci, il a monté avec une dizaine de ses éclaireurs, une embuscade au cours de laquelle cinq hussards allemands ont ete tués.
Le 7 octobre, alors qu'entre temps il a été promu sergent, il reçoit une autre citation pour une action d'éclat accomplie la veille dans le bois de Maucourt.
Ensuite, en collaboration avec la patrouille permanente d'un régiment voisin, le 164e RI, celle de MAGINOT surprend une section ennemie abordant Mogeville, lui inflige des pertes
et capture un prisonnier. Mission après mission, des informations sont recueillies et transmises aux échelons supérieurs.
Le 12 octobre, le déétachement est chargé de vérifier l'occupation par les Allemands du village voisin: Ornes. Ceux-ci ont emmené en otages la majeure partie des habitants,
certains étant cependant parvenus à se réfugier à Verdun. L'agglomération est déserte. Sans doute décelés, MAGINOT ainsi que ces équipiers sont attqués par un fort parti adverse
qui, par ses tirs, les oblige à décrocher, et ils se replient sur Bezonvaux. Quelques semaines plus tard, scindés en deux équipes, ils facilitent la reprise de Maucourt et
Mogeville exécutant dans cette localité une action audacieuse. Ils sont récompensés le 8 novembre, au cours d'une cérémonie se déroulant sur le plateau de Souville.
Les soldats POILBLANC,LECRIC et BOUDAILLE sont cités à l'ordre du régiment; le sergent MAGINOT reçoit la Médaille Militaire, accompagnée d'une citation:
"Commandant d'un groupe d'éclaireurs volontaires, a dirigé plus de cinquante patrouilles fournissant d'une façon constante, au milieu des plus grands dangers,
les renseignements les plus précieux sur la situation ennemie."
Le 6 novembre, grace à sa connaissance parfaite du terrain, a guidé au milieu d'une brume épaisse,
les bataillons chargés de l'enlèvement de plusieurs villages et a été pour beaucoup dans le succès de cette opération de surprise qui ne nous a couté que trois hommes blessés.
Sous-officier remarquable par sa cranerie personnelle et l'ascendant qu'il a su conquérir sur ses hommes.
Le 9 novembre, MAGINOT et ses patrouilleurs sont envoyés reconnaitre le bois des Hares près de Maucourt pour vérifier son occupation par l'adversaire.
Arrivé en vue de l'objectif, MAGINOT interpréte mal un signal donné par les deux éclaireurs qui le précèdent, fait avancer le reste de ses subordonnés et tombe dans une embuscade
rendue par un détachement allemand comprenant un effectif très important.
Alors que son groupe est pris sous un feu nourri, il est grièvement blessé au genou, d'autres près de lui étant touchés.
Après être resté plusieurs heures sur place, entouré de ses hommes, il parvient à faire décrocher les survivants, qui sont renforcés par des éléments d'une unité proche,
le 365e RI. Toute cette troupe résiste aux attaques adverses jusqu'à la nuit, puis emmenant ses blessés, se replie jusqu'aux lignes françaises à Maucourt.
A partir de là, ceux dont l'état nécessite des soins, sont évacués vers l'arrière.
Le 22 septembre 1914, le général de division COUTENCEAU, gouverneur de Verdun, fait diffuser la citation suivante: "...BOURY caporal, ROBERT soldat de 1ère classe
au 44é territorial, ont réussi à ramener sous une grêle de balles leur sergent blessé, après être resté huit heures à le défendre avec les huit hommes dont les noms suivent,
qui ont été tués ou blessés: ... GEORGES, TOUSSAINT, BOUDAILLE, CHAPELET, GILLES tués, POILBLANC, HEBLOT, DEGOMBERT blessés, soldats au 44é territorial ont défendu pendant huit heures,
sous une grêmle de balles, leur sergent blessé et ont payé ce dévouement de leur sang."
MAGINOT endure alors sur un lit d'hopital, les souffrances des grands blessés. Un an après les faits, l'historien Louis MADELIN mobilisé lui aussi, écrit:
" la patrouille qui existe encore porte toujours le nom de son glorieux chef et les quelques patrouilleurs qui en font partie, sont fiers de pouvoir dire nous y étions,
et faire état des actions qu'ils ont vécues avec André MAGINOT qui savait les sublimer dans une épopée patriotique."
Celui-ci reprend sa place à la Chambre des Députés en novembre 1915. Il devient successivement Président de la Commission de l'armée, Ministre des Colonies et de l'Afrique du Nord
et membre du Comité de guerre. Dès cette époque, il s'inquiète du statut qui réglementera la situation des mutilés.
Aussi lui confie-t-on en 1920, le ministère des Pensions, primes et allocations de guerre.
L'année précédente, le 12 mars, il a été nommé dans l'ordre national de la Légion d'honneur au grade de chevalier: la décision précise que cett nomination comporte
l'attribution de la Croix de guerre avec palme.
Jusqu'à sa mort, MAGINOT appartient à plusieurs cabinets ministériels. Il est d'ailleurs ministre de la Guerre lorsqu'il décède le 6 janvier 1932.
André MAGINOT donna son nom à la ligne de fortifications construites entre les deux guerres sur la frontière de l'Est, depuis la Belgique jusqu'à l'Italie.
Cette ligne MAGINOT de réputation inviolable, s'avéra finalement quasiment inutile.